Interview sur le CBD avec la médecin Claire Chauffour-Ader
CBD Médecin
Responsable de la consultation douleurs chroniques Hôpital Joseph Ducuing à Toulouse.
Hexacube : Bonjour Docteur Claire Chauffour Ader. Merci de consacrer de votre temps à répondre aux questions sur le CBD.
Docteur Claire Chauffour-Ader : Bonjour Hexacube. En préambule je tiens à préciser que nous allons parler ici du CBD comme produit bien-être et en aucun cas comme médicament même s’il existe des médicaments à base de CBD comme l’Epidiolex pour traiter l’épilepsie.
Hexacube : Entendu. Que pouvez-vous nous dire sur le CBD en présentation générale ?
Docteur C.C.A. : Le CBD (ou cannabidiol) a été identifié dès les années 40. Il représente une des multiples molécules dites phytocannabinoïdes extraites du Cannabis Sativa ou chanvre « bien-être » utilisé depuis des millénaires par l’homme. Plante et homme ont toujours évolué ensemble. Par ailleurs, il est très intéressant de noter que l’homme sécrète ses propres cannabinoïdes. Ces derniers sont au service d’un système appelé « endocannabinoïde » (SEC) qui joue un rôle majeur dans la physiologie humaine. Ainsi, l’homme possède un système capable de reconnaître des cannabinoïdes que la nature produit et qui auront des effets sur l’organisme.
Hexacube : Depuis plusieurs années, les produits à base de CBD fleurissent sur le marché français. Comment cela se fait-il ?
Docteur C.C.A. : Le CBD est autorisé à la vente car il n’a pas d’action stupéfiante et ne donne lieu à aucune dépendance. L’OMS a établi un rapport en 2018 qui qualifie le CBD de substance sûre et sans effets secondaires majeurs. Des nuances doivent cependant être apportées en fonction de la situation de la personne, son âge et les problèmes de santé associés. Les bienfaits du CBD et son intérêt dans le bien-être sont de plus en plus étudiés à travers le monde et en 2020, plus de 800 études étaient publiées contre moins d’une centaine il y a 20 ans….
Il peut être intéressant dans de nombreuses situations en raison de ses potentiels identifiés anti inflammatoire, neuro protecteur, cardioprotecteur, antiépileptique. Les cibles sont nombreuses : douleurs, anxiété, troubles du sommeil, troubles dépressifs, problèmes de dépendance, troubles de l’appétit, intestin irritable, maladies de peau comme acné, eczéma, psoriasis…
Mais il faut vraiment faire la différence entre un produit bien-être et un médicament. Le CBD vendu en vente libre dans le commerce est un produit qui peut améliorer la santé naturelle dans les situations citées ci-dessus sans pour autant constituer un traitement. Il représente une aide possible au même titre que d’autres plantes aux propriétés reconnues et consacrées par l’usage ou les travaux scientifiques.
Hexacube : Comment le CBD fonctionne-t-il dans l’organisme ?
Docteur C.C.A. : Le mode d’action est de mieux en mieux connu et une exploration de son mécanisme se poursuit dans le temps. Le système endocannabinoïde humain sur lequel il agit directement ou indirectement a été découvert tardivement dans la fin des années 1980. Cette découverte est majeure car ce système joue un rôle fondamental dans notre fonctionnement physiologique appelé « homéostasie » : en d’autres termes, le maintien de valeurs tendant sans cesse à s’écarter de leurs limites viables sous l’influence de facteurs internes ou externes.
Ces récepteurs aux cannabinoïdes se retrouvent quasiment dans tout le corps, en particulier dans le système nerveux mais également dans le cœur, les poumons, le tube digestif, le foie, les reins, la rate, certaines cellules immunitaires etc. Ceci explique pourquoi le CBD a de multiples actions. Les récepteurs aux cannabinoïdes ne sont pas les seules cibles d’action du CBD qui agit sur une multitude d’autres récepteurs : récepteurs impliqués dans le contrôle de la douleur, dans la genèse des émotions, la régulation de l’humeur etc. Ceci explique les nombreux effets de cette molécule.
Hexacube : quel est le dosage à recommander ?
Docteur C.C.A. : La dose idéale quotidienne varie selon les effets recherchés et selon la voie d’administration car le CBD peut se prendre par la bouche avec des capsules (voie orale), sous la langue avec les huiles (voie sublinguale), en inhalation (vaporisation), en application cutanée avec les cosmétiques et crèmes. Chaque individu a son propre système endocannabinoïde – aussi unique que ses empreintes digitales. Les besoins seront différents pour chacun, car ils dépendent notamment du sexe, du poids et de l’âge. Il existe des calculateurs en ligne qui permettent de s’orienter. Toujours garder à l’esprit qu’il faut commencer « bas » et augmenter « progressivement ». Comme il s’agit de bien-être, l’ajustement du dosage se fait en fonction des effets ressentis.
Ne pas perdre de vue que les besoins peuvent varier également dans le temps. Dans des situations de troubles chroniques, il est généralement nécessaire de poursuivre les prises pendant plusieurs semaines, le temps nécessaire pour améliorer son état. Plus le trouble est ancien, plus la durée de prise peut être prolongée pour constater des effets. Ceci dit, l’amélioration du sommeil est généralement assez rapide et nombreuses sont les personnes qui rapportent un effet dès la première prise. Lorsque l’équilibre est rétabli (par exemple justement dans les troubles du sommeil), il faut diminuer voire arrêter les prises. Il n’existe aucun risque de dépendance, comme cela a été démontré dans de nombreux travaux scientifiques. Les doses utilisées dans le bien-être sont des doses relativement faibles.
Hexacube : y a t’il des contre indications ?
Docteur C.C.A. : La prudence doit être de mise en cas de maladie du foie et de prise concomitante de médicaments. Il faut toujours vérifier avec son médecin ou son pharmacien le risque d’interaction qui pourrait augmenter ou diminuer les effets des médicaments pris. En effet, le CBD va utiliser des enzymes du foie qui servent à métaboliser un certain nombre de médicaments. En règle générale, il faut prendre le CBD à distance des médicaments. Ne pas associer le CBD avec des médicaments contre l’anxiété, les troubles du sommeil, la dépression, l’épilepsie. Et éviter de prendre du CBD en cours de traitement des cancers .…
Hexacube : y a t’il des effets secondaires liés à la prise de CBD ?
Docteur C.C.A. : Il existe bien sûr des effets gênants possibles comme des céphalées, des douleurs digestives, de la fatigue, aisément évitables si la dose utile est atteinte progressivement. Par ailleurs il ne faut pas donner de CBD chez les enfants, ni aux les femmes enceintes et allaitantes.
Par ailleurs, il est extrêmement important de n’acheter que des produits de qualité, c’est-à-dire exempt de contaminants et dont la composition est précisée (pourcentage de CBD, origine, analyses…).
Hexacube : En synthèse, que diriez vous du CBD ?
Docteur C.C.A. : Le CBD issu du chanvre « bien-être » est un allié de la santé naturelle car il aide au maintien de l’homéostasie dans les grandes fonctions de base : l’équilibre affectif, la veille et le sommeil, le contrôle de l’appétit, la digestion, la mémoire, l’immunité… Charge à l’utilisateur de se procurer un CBD de qualité, exempt de contaminants et respectant la législation en vigueur en France notamment sur le THC qui est interdit. Enfin, par précaution, s’assurer de toute absence d’interactions avec les médicaments éventuellement pris.
Pour en savoir plus sur le CBD et la médecine :
CANNABIDIOL (CBD) Critical Review Report Expert Committee on Drug Dependence Fortieth Meeting Geneva, 4-7 June 2018 https://www.who.int/medicines/access/controlled-substances/CannabidiolCriticalReview.pdf
Daniel G Couch, PhD, Hollie Cook, Catherine Ortori, PhD, Dave Barrett, PhD, Jonathan N Lund, PhD, Saoirse E O’Sullivan, PhD, Palmitoylethanolamide and Cannabidiol Prevent Inflammation-induced Hyperpermeability of the Human Gut In Vitro and In Vivo—A Randomized, Placebo-controlled, Double-blind Controlled Trial, Inflammatory Bowel Diseases, Volume 25, Issue 6, June 2019, Pages 1006–1018, https://doi.org/10.1093/ibd/izz017
White, C. Michael. « A review of human studies assessing cannabidiol’s (CBD) therapeutic actions and potential. » The Journal of Clinical Pharmacology 59.7 (2019): 923-934.