La saga sur la législation du CBD n’en finit plus…. Lundi 24 Janvier 2022, le conseil d’Etat qui avait été saisi en urgence par les commerçants de fleurs de CBD, a invalidé le décret pris par le gouvernement le 30 Décembre dernier qui interdisait la vente de fleurs brutes , de feuilles et de tisanes et au pot pourris à base de chanvre. La filière a su s’organiser et faire entendre sa voix. Revenons sur les faits.
La législation sur le CBD est digne d’un véritable feuilleton en France. Historiquement opposée au cannabis sous toute ses formes, les choses évoluent tout de même. Pour comprendre la situation, il faut analyser le marché autour de 3 axes : la production, la transformation et la distribution.
- La législation sur la production de chanvre
La France est le plus grand pays producteur de chanvre en Europe. Mais sa culture est très encadrée. Jusqu’en 2021, seuls les agriculteurs enregistrés comme tel au sens de la réglementation nationale ou européenne pouvaient cultiver du chanvre. Seules les variétés inscrites au catalogue Européen (cannabis Sativa L) sont autorisées avec un taux de THC<0,2% et la pratique du bouturage interdite. Une fois cultivé, seuls les tiges et les graines peuvent être exploitées. Les tiges pour des matériaux de construction, le textile, les litières. Les graines qui par pression peuvent produire de l’huile. Le reste de la plante c’est à dire les feuilles de chanvre et les sommités florales doit être détruit.
Cette interdiction d’exploiter la fleur est alors dénoncée puisqu’en parallèle le gouvernement autorise les essais sur 3000 patients sur le cannabis thérapeutique avec des médicaments qui contiennent CBD et THC. Ils sont donc issus de production et d’extraction qui proviennent hors de France. Heureusement le décret du 30 décembre 2021 va permettre l’utilisation des fleurs pour en extraire les principes actifs et autorise désormais des taux de THC allant jusqu’à 0,3% de THC, alignant ainsi la France avec la législatioin Européenne. Nous pouvons donc attendre la naissance d’une filière agricole en France qui va exploiter la totalité de la plante.
2. La transformation des fleurs de CBD cannabis SATIVA
Comme évoqué précédemment, les opérations de transformation du cannabis étaient jusqu’à présent interdites sur le territoire national. Les fleurs de cannabis et les feuilles de cannabis étaient donc détruites. L’arrêt du 30 décembre 2021 change la donne et aligne la législation française sur la législation Européenne. Il faut dire que la cours de justice de l’UE avait jugé la loi française en contradiction avec la législation Européenne dans l’affaire Kanavape. La cigarette électronique Kanavape, mise au point par Sébastien Béguérie et Antonin Cohen, contenant de l’extrait de chanvre avec du Cannabidiol et un taux de THC inférieur à 0,2% devient alors légale en novembre 2021.
La cour européenne jugeant que le CBD n’est pas un stupéfiant, qu’il n’est pas nocif ni addictif reprenant ainsi le discours de l’OMS. Elle confirme également que la plante peut être exploitée dans sa totalité.
Grâce à cet arrêté, une filière agricole peut alors s’organiser pour produire et extraire les principes actifs du chanvre. Il faudra néanmoins que les agriculteurs mettent en place des contrats indiquant les volumes, la qualité et le prix des fleurs avec les transformateurs. L’année 2022 sera donc la première année, ou les extraits de chanvre origine France seront disponibles. Deux méthodes d’extraction existent. La méthode par extraction au CO2 supercritique (plus écologique) et la méthode par solvants. La filière s’organise.
Les produits finis à base d’extrait de chanvre deviennent donc autorisés dans les cosmétiques, dans les e-liquide et en alimentaire.
3. La distribution, la mise sur le marché des produits finis à base de chanvre
C’est un véritable phénomène qui s’est déroulé au cours des 2 dernières années en France. Plus d’un millier de boutiques ont vu le jour sur le territoire vendant fleurs de CBD, infusions CBD, huiles CBD , capsules CBD, crèmes et baumes CBD. Un véritable engouement de la part des consommateurs pour des produits d’origines naturelles avec des effets relaxants particulièrement recherchés dans cette période anxiogène. Ces boutiques réalisent entre 70% et 80% de leur ventes sur le commerce de fleurs brutes. Le décret du 30 décembre 2021 avait mis un véritable coup d’arrêt à ce commerce.
Mais les distributeurs ont su s’organiser autour de syndicat pour aller plaider leur cause en urgence devant le conseil d’Etat. Une fois de plus l’interdiction de la vente de fleurs brutes vient en contradiction avec la législation de certains pays d’Europe qui ont même légalisés le cannabis (Malte et Allemagne à l’étude).
Lundi 24 Janvier 2022, le conseil d’Etat suspend le décret en déclarant « que les fleurs et feuilles de chanvre dont la teneur en THC n’est pas supérieure à 0,30 % revêtiraient un degré de nocivité pour la santé ne justifiant pas une mesure d’interdiction générale et absolue de leur vente aux consommateurs et de leur consommation ». Le conseil d’Etat s’achète du temps pour aller au fond du sujet.
Les députés Robin Réda (LR) et Jean-Baptiste Moreau (LREM), entre autres, ont travaillé pendant plusieurs mois sur un rapport d’information sur les différents usages du cannabis autour des sujets agricoles, des aspects thérapeutiques, du CBD « bien-être » et du cannabis récréatif et prônent, après analyses et auditions de l’ensemble des acteurs, un assouplissement de la législation. Ils mettent également en avant qu’a défaut, d’autres pays prendront le leadership si la France n’agit pas rapidement. Ce rapport sera sûrement remis sur la table et peut-être un sujet de la prochaine élection présidentielle.